Contenu : Vous trouverez dans cet article le Témoignage d’une infirmière en reconversion : L’infirmier n’est pas entendu. Après 10 mois en salle de réveil et 2 ans en réanimation, c’est le déclic. « Parce que trois ans d’études pour se débrouiller seule, pour bien réagir dans les situations d’urgence, pour repérer les erreurs dans les prescriptions médicales, pour faire des calculs de dose tout en rassurant les familles, ce n’est pas assez. »
Infirmière en salle de réveil pendant 10 mois
Premier CDI
Paris, novembre 2015. Je signe mon premier CDI. Quelle fierté de décrocher ce CDI avec autant de facilité ! Rien ne pouvait m’arrêter.
Et pourtant j’ai posé ma démission dix mois plus tard…
J’avais pris un poste en salle de réveil, dans une clinique privée à grande réputation. La salle de réveil, c’est la cinquième roue du carrosse du bloc opératoire, mais aussi son plus grand verrou, qui a permis de faire baisser considérablement la mortalité suite à une anesthésie générale.
En gros, pour la RH et les comptables ça coûte cher et ça ne rapporte pas. Mais c’est obligatoire légalement. Par conséquent, ils cherchent absolument à faire des petites économies.
Nous étions une équipe de quatre infirmières, une fraîchement arrivée, une qui avait posé sa démission, la troisième en congé maternité et moi. Une réunion de service est demandée par la direction afin de revoir le planning suite au départ de plusieurs chirurgiens. Un premier planning nous est proposé, ne correspondant pas aux tâches du service. Je me rends à cette réunion en pensant que ma jeune collègue serait présente également. Je me trompais lourdement : un jour de repos accordé et hop je me retrouve seule face à la directrice de la clinique, la directrice des soins, à la chef de bloc et à la RRH. La réunion a duré deux heures et s’est très mal passée.
La catastrophe pointait le bout de son nez
Je devais former la nouvelle infirmière arrivée après le départ de ma collègue. J’étais la seule infirmière présente dans le service, alors que légalement nous aurions dû être quatre. Avec neuf salles d’opération qui tournaient, la catastrophe et l’erreur pointaient le bout de leur nez.
J’ai donc tout naturellement posé ma démission suite à de longues journées dangereuses pour ma santé physique, mentale et pour mon diplôme.
2 ans en réanimation : « La porte est grande ouverte »
Si vous voulez partir, partez
J’ai travaillé deux ans dans un service de Réanimation parisienne, deux ans de rires, de coups durs, de grande détresse, de course poursuite dans les couloirs, de massages de sacrum à l’huile, de bataille à l’eau de lavande, de massages cardiaques, de consolation, de toilettes mortuaires, d’entretiens aux familles où l’on annonce l’irréparable…
Et pourtant je ne retiendrais que cette phrase : « La porte est grande ouverte. » Il faut comprendre si vous voulez partir, partez.
Cette phrase a été prononcée par le chef de service et ne m’était pas destinée personnellement, mais déclamée à une équipe d’infirmiers et aides-soignants après une journée de travail alors que la neige sévissait à l’extérieur.
Tout ça à cause d’un écouvillon positif
Un écouvillon c’est comme un coton tige, mais pour l’anus : on prélève et hop, le tout en analyse en bactériologie pour voir quelle belle bactérie a votre patient dans son tube digestif.
Alors oui on en a des tas, mais celle qu’on cherche ce sont les BMR ou pire, les BHR : la hantise des hôpitaux.
Une BMR c’est une super bactérie, qui fait de la résistance mais qu’on peut éradiquer par quelques derniers antibiotiques dernières générations. La BHR, c’est LA super bactérie qui résiste à tout, même aux désinfectants, nettoyants et autre pschit-pschit, pour les plus connaisseurs. Et malheureusement ces bestioles-là sont de plus en plus répandues, car transportées par les mains, elles voyagent partout et n’ont aucune limite. Et elles tuent… Nous ne possédons pas de médicaments contre elles. Voilà de quoi nous étions donc accusés : de transmettre la bactérie par nos mains mal lavées, bref de mal travailler.
Certes les infirmiers et aide soignants sont ceux qui touchent le plus les patients, qui entrent le plus dans leur chambre. Cependant, des études ont démontré que ceux qui se lavaient le mieux les mains étaient les infirmiers. Le discours a été suivi de mesures drastiques, pour les paramédicaux, qui n’ont pas suffi à endiguer l’épidémie.
Mais nous n’avions pas de voix
Le service a dû fermer momentanément, pendant que les aides-soignants, infirmiers et médecins ont nettoyé le service. Dans les chambres occupées restantes, les infirmiers et aides-soignants devaient réaliser 4 ménages quotidiens par chambre. Et dans tout ça, je ne parle même pas des diverses réactions allergiques du personnel…
Mais nous n’avions pas de voix, c’était par notre faute que nous en étions rendus là.
Témoignage d’une infirmière en reconversion : Le déclic
C’est peut-être là que j’ai eu le réel déclic.
Je voulais être entendue, je voulais faire partie de ceux qui comptent. Mais l’infirmier ne compte pas, il est facilement remplaçable, alors que son savoir et sa connaissance du service valent de l’or. L’ancien travaille plus vite, mieux et aide les nouveaux arrivants aux gestes qui sauvent.
Mais ça ne comptait pas et l’hôpital a continué à nous broyer. En six mois le service a dû faire face à plus de 15 démissions d’infirmiers et d’aide soignants. Sur une équipe de quarante, je vous laisse imaginer les dégâts. Mais la porte était toujours « grande ouverte ».
Reconversion infirmière
Témoignage d’une infirmière en reconversion : L’infirmier n’est pas entendu.
Il se plaint, certes, peut-être trop souvent, mais il n’est pas écouté. Il est considéré comme interchangeable.
Lorsqu’une problématique se pose, on demande l’avis de l’infirmier, mais je trouve que trop rarement, il est écouté. Sa responsabilité grandit chaque jour et repose sur ses épaules. On lui demande de faire toujours plus avec moins de moyens. L’infirmier a perdu la possibilité de réaliser sa fonction première : celle du prendre soin. Si important aux yeux du patient.
Je veux retrouver ma voix, je veux pouvoir être entendue. Non pas pour me plaindre en permanence mais pour faire avancer la cause infirmière. Pour que la durée de vie de carrière d’une infirmière ne soit plus de cinq ans.
J’ai eu cinq ans de diplôme cet été, et je reprends mes études. Je suis rentrée il y a quelques semaines en école d’IADE (Infirmière Anesthésiste Diplômée d’Etat.)
Parce que trois ans d’études pour se débrouiller seule, pour bien réagir dans les situations d’urgence, pour repérer les erreurs dans les prescriptions médicales, pour faire des calculs de dose tout en rassurant les familles, je trouve que ce n’est pas assez. Car les infirmiers ne sont pas les seuls à souffrir et c’est une population hospitalière qui réclame qu’on prenne soin d’elle.
Vous trouverez ici un autre témoignage d’une infirmière en réanimation.
Si vous avez aimé ce Témoignage d’une infirmière en reconversion : L’infirmier n’est pas entendu, vous pouvez aller faire un tour sur cet article sur les reconversions infirmières.
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